Méthode du commentaire littéraire

Cet article essaie de donner les bases de la méthode du commentaire littéraire dans le supérieur. Il se focalise sur les points essentiels pour comprendre l’exercice en profondeur.

 

Les buts de cet article

Je ne chercherai pas ici à tout dire sur le commentaire littéraire, mais à mettre l’accent sur les points qui m’ont le plus questionné et surtout ceux qui m’ont beaucoup aidé quand je les ai compris. Il est donc normal qu’il manque des détails sur la manière précise de faire telle ou telle chose, puisque ce sont souvent des choses que les professeurs rappellent en début d’année, ou même plusieurs fois au cours de celle-ci. En résumé, j’essaie de présenter les conseils qui m’ont le plus servi lorsque je les ai appliqués.

 

Introduction

Faire un commentaire littéraire, que ce soit en français ou en langue étrangère, est une démarche complexe qui demande une grande capacité d’adaptation : en effet, les textes sont très variés dans leur forme et leurs objectifs. Dans cet article, je vais tenter de synthétiser tous les conseils et principes qui m’ont permis de progresser dans cet exercice. Comme le commentaire se présente souvent sous deux modalités différentes (linéaire et composée), je vais commencer par présenter les principes généraux applicables aux deux conditions avant de traiter séparément les spécificités de chacune.

Moine copiste dans son atelier, BnF, Manuscrits occidentaux, FRANCAIS 20127, fol.2v. Inspirons-nous de sa patience et de son attention au mot près !

L’ISMAPP

Après avoir passé deux en prépa littéraire, elle présente l’école qu’elle a intégré sur concours : l’ISMAPP, ou Institut Supérieur du Management Politique et Public.

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L’EHESS

Emma, en master 1 d’études politiques à l’EHESS après trois ans de prépa littéraire au lycée Fénelon, te présente l’EHESS et les spécificités de cette école entièrement tournée vers la recherche.

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Les principes généraux pour le commentaire littéraire

Principe de spécificité

Quel est le but du commentaire littéraire ? C’est peut-être la question la plus importante, dont la réponse évitera que l’on se perde dans le hors-sujet ou dans des élucubrations trop vagues et générales. Le commentaire littéraire cherche à montrer la littérarité d’un texte. Celle-ci tient à plusieurs facteurs, qui s’articulent différemment en fonction des textes : l’unité et la singularité. Je vais développer ces deux points, qui font à mon avis tout le sel de l’exercice.

L’unité

L’unité tient au fait que le texte donné à commenter par l’examinateur doit être compris comme un tout, et ce même s’il n’est souvent qu’un extrait d’une œuvre plus étendue. Il peut présenter une unité d’action (une scène de théâtre par exemple), une unité de style (un paragraphe spécifique d’un roman par exemple), une unité de message (le paragraphe d’une lettre dans un roman épistolaire par exemple).

Trouver et comprendre pourquoi l’examinateur a délimité l’extrait de telle façon, en d’autres mots comprendre ce qui fait l’unité du passage, est une étape très importante dans l’appréhension du texte. En effet, c’est ce qui permet d’entrevoir tous les enjeux de l’extrait : le monologue de Rodrigue dans Le Cid ne pose pas du tout les mêmes enjeux que l’incipit de Manon Lescaut (le premier présente une unité discursive tenant à l’enjeu délibératif du discours, alors que le second présente une unité fonctionnelle dans l’introduction à une histoire romanesque).

Comment chercher l’unité d’un texte ? On peut se dire que celle-ci a souvent trait au genre et au type du texte. Le genre est une classification large qui détermine la manière de recevoir et de lire un texte : le roman ne se lit pas de la même manière que la poésie, ou encore que le théâtre, etc. Cependant, trouver le genre ne suffit pas pour comprendre l’unité d’un extrait : il faut se poser la question du type, ou encore de la tradition littéraire qui définit la fonction de l’extrait. Une scène de confrontation agonistique au théâtre se distingue ainsi d’un monologue délibératif :  la fonction de la première est souvent de dévoiler les connaissances et les opinions des personnages tout en faisant avancer l’intrigue alors que le second met en pause l’action pour initier une phase de réflexion qui prend presque à parti le spectateur.

Bien sûr, il est toujours possible, au vu d’un texte donné, d’approfondir les facteurs d’unité, souvent multiples. Cependant, il est intéressant chercher en premier lieu l’unité générique du texte, c’est-à-dire ce qui fait que l’extrait entre dans une tradition ou une pratique établie en littérature. C’est par le genre qu’on peut commencer à comparer le texte avec d’autres que l’on connaît. On retrouve par exemple des scènes de dialogue agonistique dans de nombreuses pièces de théâtre : les avoir en tête permet de comprendre par distinction comment notre texte présente une unité qui lui est propre. Prendre conscience de la généricité est ainsi une étape cruciale qui nous informe souvent sur plusieurs facteurs d’unité plus ou moins évidents.

La singularité

Comme annoncé précédemment, la singularité décrit la manière dont un extrait se dégage de son genre et de sa fonction classique ou attendue : la singularité littéraire d’un texte contient sa dimension novatrice, qui le sort du lieu commun. On peut donc dire que l’étude de la singularité commence quand on s’intéresse à des aspects plus précis que le genre ou la fonction générique de l’extrait : notamment quand on s’intéresse à la façon dont un texte s’approprie des conventions et des traditions littéraires pour les remotiver au sein d’une écriture unique et nouvelle.

Cette analyse revient à répondre à cette question : Qu’est-ce qui distingue cet extrait d’autres [scènes de dialogue agonistiques/monologues délibératifs/poèmes d’amour/incipit/etc.] ? En analysant les différents éléments de réponse qu’on trouve, on commence à entrevoir la matière la plus intéressante du commentaire de texte, tout en étant certain de ne pas faire de hors-sujet. Que faut-il donc chercher ? Tous les procédés littéraires qui contribuent à la singularisation d’un texte : les thèmes évoqués, la structure, les enjeux, le style, etc. Si on comprend la manière dont ces derniers interagissent d’une façon propre à l’extrait, alors on rend au texte un commentaire à la fois fidèle et attentif, qui ne cherche pas à gommer ses caractéristiques propres en les assimilant à des généralités.

Il est important de garder à l’esprit que la singularité d’un texte ne se résume pas à son caractère novateur au sens historique du terme : un texte littéraire peut très bien composer avec des traditions bien ancrées. Même s’il est très intéressant de considérer le contexte historique et littéraire de publication pour comprendre le caractère novateur du texte et pouvoir le souligner, ça ne doit pas constituer le but ultime du commentaire, qui doit mettre en lumière la dynamique particulière de l’extrait, ce qui fait qu’il est unique dans sa manière de mettre en œuvre les éléments littéraires.

 

La culture littéraire

Une fois les principes précédents posés, il est clair qu’une culture littéraire est très utile pour plusieurs raisons : d’une part elle fournit des connaissances générales sur les genres et les types de texte et leur fonction ; d’autre part elle fournit des exemples d’extrait que l’on peut comparer avec le sien pour en faire surgir la singularité (cela peut même être fait explicitement dans le commentaire, si on montre bien qu’on le fait pour servir l’analyse de notre propre extrait, donc sans faire l’étalage d’une culture encyclopédique inutile ou inutilisée). On peut ajouter que la culture littéraire développe une sensibilité accrue aux différents aspects du texte, ce qui rend l’analyse de nouveaux passages plus aisée.

Comment la développer ? Simplement en lisant et en analysant des textes, soit ceux qui sont proposés par les professeurs, soit des lectures personnelles. Par pur souci stratégique, on peut privilégier les textes qui nous sont les moins familiers et qui possèdent ainsi des caractéristiques qui nous sont encore inconnues. Une pratique régulière et sérieuse du commentaire de textes sur des œuvres variées développera pour sûr une sensibilité et une culture générale littéraires !

N’hésite pas non plus à consulter les conseils des articles sur la spé lettre ou dans la catégorie littérature : ils seront précieux à cette fin.

 

Les différentes échelles d’analyse

Pour faire un commentaire littéraire, il est important de comprendre les différentes échelles de construction d’un texte. Comme on est dans le cadre d’une pratique régulée académiquement, la longueur de l’extrait à commenter ne peut dépasser quelques pages, ce qui permet tout de même différents niveaux d’analyses, plus ou moins précis.

Le premier niveau, le plus large, est celui de la structure globale du texte, son articulation générale. Dans le commentaire linéaire, on demande souvent de distinguer plusieurs mouvements dans le passage : c’est à cela que correspond l’échelle la plus globale. Les enjeux cette analyse large sont multiples : il s’agit de comprendre la cohérence du découpage de l’extrait, son unité thématique, la nature et l’enchaînement de ses parties. Si le texte à commenter est un sonnet, la cohérence du découpage est plutôt simple à concevoir, mais sa thématique et l’articulation de ses mouvements le sont peut-être déjà moins. Il ne faut pas sous-estimer ce niveau d’appréhension de l’extrait, car c’est lui qui garantit qu’on le commente bien dans son intégralité, sans trahir sa dynamique.

Le second niveau d’analyse est déjà plus variable en fonction des textes : il peut correspondre à la strophe, au paragraphe, ou parfois un découpage plus serré encore. Il se distingue du premier car il ne s’intéresse qu’à une partie du texte, ce qui permet d’entrer un peu plus dans les détails et d’étudier les thématiques plus précisément. Cependant, ce n’est pas encore l’échelle du mot ou de la phrase, où il est possible de rentrer dans la micro-analyse. Ce niveau permet surtout d’analyser l’enchaînement des thématiques et des effets au sein d’une partie du texte, ce qui permet de comprendre sa structure plus finement : c’est à cette échelle qu’on peut analyser des procédés comme la métaphore filée, la construction argumentative, l’ironie, le comique de répétition, etc.

Le troisième niveau de commentaire est celui de la micro-analyse : on rentre dans les plus petits détails du texte pour voir comment ce dernier est construit. C’est à cette échelle qu’on observe les allitérations, les assonances, les répétitions, etc. Il ne faut surtout pas faire l’impasse devant de telles observations minutieuses : ce sont parfois des petits détails qui renversent l’interprétation d’un texte ou en définissent tout l’intérêt !

Dans mon expérience (qui vient surtout du retour des professeurs), les copies ou les oraux ont souvent soit tendance à complètement négliger ce niveau pour faire un commentaire trop superficiel et trop global, ou s’en contenter et manquer ainsi la cohérence et la dynamique générale du texte. Avoir ces trois échelles en tête lors de l’exercice permet donc de ne négliger aucun élément important au sein de l’extrait.

 

Étapes de l’analyse

Rédiger ou présenter un commentaire de texte à l’oral n’est pas toujours simple : il faut être capable d’intégrer les éléments pour les articuler de manière fluide et cohérente dans plusieurs parties. Au sujet de celles, je rentrerai dans les détails spécifiquement pour chaque modalité d’exercice, plus tard dans l’article. Ici, je souhaite surtout présenter les différents éléments qui doivent figurer dans la présentation ou la rédaction pour que le commentaire soit parfaitement intelligible pour l’examinateur. On peut ainsi trouver cinq grandes étapes : le repérage, la clarification, la nomination, les interprétations, les échos. Ces étapes ne sont pas forcément à mentionner dans l’ordre lors de la présentation, mais il est important d’au moins chercher à rendre systématiquement compte des quatre premières.

1. Le repérage 

Le repérage, c’est ce qui permet à l’auditeur ou au lecteur de comprendre ce que tu es en train de commenter dans le texte. Ça peut être un mot, une phrase, ou même la structure d’un paragraphe ou du passage entier : dans tous les cas, il faut préciser ce sur quoi la remarque se fonde au sein du texte. Cela passe bien entendu le plus souvent par la citation du passage commenté, intégralement ou en utilisant des crochets de coupure. Si cela n’est pas fait, le professeur peut non seulement être perdu, mais aussi penser que ce qu’on dit n’est pas vraiment tiré du texte lui-même, que c’est une simple extrapolation ou un plaquage de connaissances sur l’extrait. Expliciter notre repérage textuel montre qu’on s’appuie sur des analyses en première main.

2. La clarification

Un texte littéraire n’est pas toujours très simple à comprendre : cela vaut pour la poésie mais aussi pour la prose, surtout quand on commente un texte en langue étrangère. Or, un des buts du commentaire est d’abord de montrer qu’on a bien compris le sens premier d’un texte, étape nécessaire pour progresser dans l’analyse. Ainsi, il est important de savoir gloser, dès qu’on sent que c’est nécessaire, le repérage qui a été fait. Cela évite de fournir ensuite un commentaire bancal fondé sur une compréhension approximative du sens d’un mot ou d’une expression. Lors d’un oral, ce genre de difficultés de compréhension peut facilement faire l’objet de questions pendant l’entretien : autant anticiper au brouillon ce genre de problèmes pour ne pas se retrouver démuni ensuite.

3. La nomination

Une fois le repérage fait, la nomination est la première partie de l’analyse à proprement parler du repérage textuel. Celle-ci consiste simplement à nommer l’effet, le procédé littéraire, ou la remarque que l’on a observés, et qui pourront servir de support à l’interprétation et au commentaire. C’est l’étape la plus savante, qui permet de montrer au professeur qu’on connaît les outils théoriques et le vocabulaire de l’analyse littéraire et qu’on est capable de les mettre en pratique. Le caractère savant de la nomination va avec son intérêt intellectuel : c’est grâce à de telles connaissances que le commentaire gagne en richesse et en subtilité au fur et à mesure qu’on se rend capable de repérer de plus en plus de points d’intérêts dans un texte. Cela va ainsi du l’anaphore et de la rime croisée au zeugme et à l’antonomase.

Il est important de préciser que l’étape de nomination ne présente pas uniquement des procédés littéraires, mais peut prendre des formes très variées : structure de texte, thématiques abordées, référence culturelle/historique/littéraire/philosophique, etc.. Il s’agit en fait de remarquer tout ce que le texte contient quand on l’analyse de près.

4. Les interprétations

Cette étape se construit à partir du repérage et de la nomination et permet de donner du sens à ces dernières. C’est le moment où on doit essayer de comprendre comment les éléments du texte participent à son genre, sa fonction, mais surtout à sa singularité. En d’autres mots, on doit proposer une interprétation qui justifie l’utilisation par l’auteur de tel mot, telle expression, telle structure à tel endroit. Il faut ainsi garder en tête qu’un texte littéraire est une œuvre de composition, formée à partir des choix d’un auteur ou d’une autrice : il faut d’essayer de décrypter ces choix. Et peu importe si ces derniers ont été faits consciemment ou non. Ce qui compte, c’est de rendre compte des effets de sens produits par la réception du texte, du point de vue du lecteur ou de la lectrice.

Comme le pluriel l’indique, l’interprétation n’est pas unique ni univoque : il y a souvent plusieurs niveaux, et même plusieurs hypothèses justifiant la présence ou l’effet que procure un mot. Il est par exemple fréquent qu’un même élément d’un texte contribue à la fois à une certaine thématique du texte tout en présentant également une dimension méta-littéraire. En fonction de la structure de son commentaire, on n’est pas obligé de présenter toutes les interprétations d’un même passage à la suite : on peut les insérer dans différentes parties pour rendre compte des différentes couches de sens successivement.

5. Les échos

Cette dernière étape est moins essentielle que les autres, mais il est très important de l’avoir à l’esprit car elle ajoute beaucoup de richesse à l’analyse de l’extrait. Les échos sont les différentes comparaisons qui peuvent enrichir le commentaire du texte. On a déjà vu que la réflexion à partir d’œuvre ou d’extraits similaires permettait de mieux cerner la singularité de notre texte. Cela donne aussi d’autres repères littéraires au professeur, qui comprend alors d’autant mieux la démarche qu’on mène. Comparer ne signifie donc pas seulement identifier deux textes ou deux parties de textes, mais également et surtout les distinguer pour montrer en quoi notre extrait possède une singularité et un intérêt dans son existence propre.

 

Trouver des idées

Il arrive qu’un texte ne nous parle pas du tout, en d’autres mots qu’on n’arrive pas à l’interpréter ou à comprendre ce qui fait son intérêt. C’est tout à fait normal au début, et ça peut toujours arriver ensuite, au moins pour certaines parties d’un extrait à commenter. Face à ce genre de difficulté, on peut pratiquer une analyse méthodique visant à faire un premier débroussaillage afin de débloquer l’accès  à l’interprétation du texte.

Pour ce faire, il suffit de choisir une échelle d’analyse (c’est souvent stratégique de commencer par la plus large) et de se poser la question : Pourquoi ce mot/expression/structure/thème/etc. et pas un autre ? Cette question peut être complétée par une autre, plus poussée : Qu’est-ce qui fait que l’usage de ce mot/expression/structure/thème/etc. est singulier ici ? La première interrogation permet de trouver des interprétations ayant trait à la fois au genre et la fonction du texte : la présence d’un élément peut être justifiée par l’appartenance à un genre (l’adresse du destinateur dans un roman épistolaire par exemple) ou par sa fonction littéraire (des indices pour maintenir le suspense lors du dernier paragraphe d’un chapitre de roman feuilleton par exemple). La seconde interrogation se focalise donc sur ce qui fait l’intérêt spécial du texte.

En répétant ces questions de manière systématique à propos de plusieurs éléments de l’extrait, on obtient une liste de thématiques, d’interprétations, de genre(s), de fonction(s) et d’hypothèses de lecture. C’est cet ensemble qui forme le contenu du commentaire ; c’est aussi cet ensemble qu’il faudra organiser pour réussir un commentaire composé (voir la partie dédiée).

 

Hiérarchiser les analyses

En se prêtant assidûment à l’exercice, on remarque que la richesse interprétative d’un texte dépasse souvent le temps imparti pour le commenter. Afin de bien réaliser l’exercice, il faut donc établir des priorités dans les analyses à mentionner à l’oral ou à l’écrit. Pour ce faire, on peut se dire qu’il vaut mieux mentionner un repérage riche d’une nouvelle interprétation qu’en mentionner un qui ne fait que confirmer une interprétation déjà formulée. Il est aussi plus intéressant de présenter des interprétations qui ont trait à la singularité du texte plutôt qu’à son genre ou sa fonction (même s’il est aussi nécessaire de mentionner ces dernières un minimum).

Pour confirmer une interprétation générale, on peut se dire que deux repérages différents suffisent, même si le texte en présente beaucoup plus : tous les mentionner pourrait alors être très redondant pour le professeur auditeur ou lecteur.

 

La problématique

Une fois qu’on a compris tout ce qui a été dit précédemment, mettre au point une problématique n’est qu’une formalité. La problématique sert à formuler de manière concise les grandes trouvailles de notre explication, pour attiser la curiosité de l’examinateur. C’est une façon de dire : « j’ai trouvé telle ou telle spécificité, et je sais que cela ne paraît pas évident ; c’est pourquoi je vais tout justifier dans le commentaire que je vais vous présenter ». La problématique doit donc toujours être construite une fois qu’une grande partie des recherches et des analyses sur le texte ont été menées.

On peut formuler celle-ci de plusieurs manières, mais il vaut mieux privilégier une certaine exhaustivité : « Nous verrons comment ce texte, sous ses airs de [A] qui présente aussi des caractères de [B], révèle finalement une visée de [C] ». On comprend que cette gradation, qui va du moins au plus évident, est en réalité une manière d’introduire très succinctement les parties de notre travail (A, B et C), même si celles-ci seront présentées un peu plus précisément au sein de l’annonce du plan.

A éviter : les problématiques qui ne sont pas assez précises, et se contentent de poser la question de l’originalité du texte (du type : Nous verrons en quoi ce texte a une mise en scène très originale), ou encore les problématiques qui ne sont pas assez ambitieuses (du type : nous verrons en quoi ce poème est une ode). Il faut que l’examinateur entrevoie dès l’introduction l’intérêt du commentaire : il ne doit ni partir méfiant (problématique vide), ni partir blasé (problématique plate).

 

L’ISMAPP

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Le commentaire composé

Comme tu le sais sûrement, le commentaire composé nécessite d’organiser la présentation des analyses en parties indépendantes de la structure littéraire de l’extrait. Cette organisation ne doit pas être faite au hasard, au risque de perdre la force argumentative du commentaire et, pire encore, perdre l’intérêt intellectuel de l’analyse comparée de différentes parties du texte. Cette partie de l’article répondra donc en priorité à la question suivante : « Comment organiser ses remarques dans un commentaire composé ? ».

 

Remarques générales, remarques particulières

Quand on cherche à commenter un texte, les remarques n’ont pas toutes le même degré de généralité : certaines décrivent de manière très précise et terre à terre ce qu’il se passe littérairement parlant, et d’autres se risquent à abstraire, interpréter ou encore synthétiser d’autres remarques. Si on ne fait que le premier type de remarques, cela reviendrait à composer une liste, certes précise, mais ne rendant pas compte de l’intelligibilité générale de l’extrait. Au contraire, si on se contente des remarques les plus abstraites et les plus éloignées du corps du texte, on risque fort le hors sujet, et on ne fait pas profiter à l’examinateur d’une analyse rigoureuse et appuyée par l’extrait lui-même. On l’aura compris, un commentaire bien organisé articule ces deux types de remarques, et toutes celles qui sont entre les deux.

Les remarques particulières (du type « l’extrait est structuré en quatre mouvements, correspondant chacun à des jours différents de la narration ») alimentent la réflexion directement à partir du texte, tandis que les remarques générales (du type « le texte met en scène un rapport au temps complexe qui reflète la temporalité éclatée de l’écriture par l’auteur ») cherchent à mettre en ordre les éléments disparates afin de comprendre comment et pourquoi ils font partie d’un même texte. Au fil de notre analyse du texte, on trouve logiquement beaucoup plus de remarques particulières que de remarques générales, à cause du fait même que ces dernières découlent la plupart du temps de la mise en relation et de la synthèse des premières. En analysant plusieurs remarques générales, on peut ainsi souvent trouver des remarques encore plus générales.

A partir de là, l’organisation d’un commentaire composé est plutôt simple : les trois remarques les plus générales constituent respectivement les trois parties de notre commentaire. Les remarques un peu moins générales sur lesquelles elles s’appuient forment les sous-parties. Les sous-parties sont donc formées de plusieurs remarques particulières qui soutiennent l’idée un peu moins générale. On voit que la structure du commentaire est en réalité argumentative : les remarques générales sont souvent les moins évidentes pour celui qui découvre tout juste le texte ; le but des parties et des sous-parties est d’apporter des éléments et des arguments démontrant la justesse de ces interprétations.

 

La structure des sous-parties

Plusieurs écoles existent, mais ce qui compte est de mentionner à la fois des remarques très précises, qui s’appuient directement sur le texte par la citation, et d’en tirer des analyses plus générales. On peut commencer par faire des analyses ciblées pour ensuite les expliquer, mais je préférais personnellement commencer par introduire l’idée générale en la mentionnant brièvement, puis mentionner les remarques particulières qui la soutiennent, avant de développer la première idée pour montrer toute sa pertinence. De cette manière, l’examinateur voit tout de suite où on veut en venir sans pour autant craindre de ne pas voir d’analyse concrète du texte.

En plus de cela, je conseillerai toujours d’aller du plus au moins évident, à la fois au sein d’une sous-partie, dans l’enchaînement des différentes sous-parties, et dans celui des différentes parties. Comme nous l’avons vu, le commentaire le plus réussi est celui qui montre la singularité du texte : commencer par souligner les éléments les plus génériques pour finir avec ceux qui brillent par leur originalité est une bonne manière de montrer notre sens littéraire.

 

Petites idées de grandes parties

Il est souvent difficile de trouver les idées générales pour définir nos grandes parties et unifier les remarques semi-générales qu’on a faites. Cependant, l’expérience nous a montré, à Anne-Gabrielle et moi, qu’il y avait une certaine récurrence dans les types de partie en commentaire composé. En d’autres mots, même si les textes et les commentaires sont tous très différents, certains angles d’analyse reviennent. En commentaire composé de latin, par exemple, il est fréquent de pouvoir faire un plan du type : (I) Remarque générale littéraire (II) Remarque générale historique (III) Remarque générale philosophique. La remarque générale littéraire peut porter sur l’appartenance et la distinction de l’extrait au sein d’un genre littéraire, mais aussi à propos de thématiques abordées, etc. En littérature française ou anglaise, j’ai souvent remarqué que la dernière partie des commentaires se porte bien à l’analyse de la méta-littérarité du texte (c’est souvent l’interprétation la moins évidente, donc parfaite en dernier).

Bien entendu, il ne faut surtout pas voir ces indications comme des schémas à plaquer sur un texte : cela nous ferait manquer la singularité de ce dernier. Rien n’exclut en effet la possibilité de deux ou trois parties sous l’angle purement littéraire, ou méta-littéraire si le texte s’y prête. Les idées mentionnées ici sont donc avant tout des aides pour faire sens des remarques qu’on a déjà collectées si on n’arrive pas du tout à les synthétiser. Il faut toujours commencer par s’attaquer au texte, et se laisser surprendre par celui-ci ; c’est ce qui permettra le commentaire le plus fidèle et le plus intéressant.

Le commentaire/l’explication linéaire

Le commentaire linéaire ou explication de texte est un exercice plus souvent oral qu’écrit : si bien sûr il cherche à faire ressortir la singularité du texte tout autant que le commentaire composé, il met l’accent sur la compréhension et l’analyse de la progression du texte. En cela, il se rapproche beaucoup d’une lecture suivie, et reprend de cette dernière les caractéristiques fondamentales : on découvre les choses dans l’ordre, de façon à les commenter dans leur contexte, en regard de ce qui a déjà été lu et dit. Cette partie de l’article cherchera donc à répondre à la question suivante : « Comment assurer à la fois la continuité et la cohérence d’une explication de texte linéaire ? ».

 

Les mouvements du texte

Le commentaire linéaire, tel qu’il est présenté par les professeurs, s’appuie souvent sur les notions de « mouvements » ou de « moments » du texte qui sont les autres noms des étapes ordonnées d’un extrait. Ce dernier est en effet ici tout particulièrement à considérer comme un tout marqué par un début et une fin : on doit partir du principe qu’on ne commente pas la fin avant le début, puisqu’on ne peut faire de bonnes remarques sur la fin qu’en ayant bien compris le début. Un mouvement donné n’est donc correctement abordé qu’avec la connaissance préalable de son contexte, à savoir le mouvement précédent. Ainsi, l’explication de texte cherche à mettre en lumière les effets de la continuité et des enchaînements en littérature, en pensant pleinement la lecture comme découverte linéaire : l’interprétation se fait toujours a posteriori et l’élève cherche à rendre compte de la richesse et de la subtilité d’une compréhension progressive du texte. Ainsi, si l’extrait comporte deux, trois ou quatre moments, le commentaire linéaire présentera respectivement deux, trois ou quatre parties.

Comment découper le texte en différents mouvements ? Il faut savoir que l’extrait à commenter a été choisi par un examinateur qui l’a souvent sélectionné une certaine structure en tête. Cependant, plusieurs découpages sont parfois possibles, à condition qu’ils soient bien justifiés. Au sein d’un texte, un mouvement est caractérisé par une certaine unité, qu’elle soit temporelle, stylistique, thématique, etc. : le choix est fait en fonction de celle que tu remarques et qui est pour toi la plus pratique. Le découpage est très important, car c’est lui qui détermine la dynamique de l’extrait, c’est-à-dire sa manière de progresser. Il faut non seulement comprendre pourquoi on coupe à certains endroits, mais aussi se demander pourquoi les ruptures ne sont pas totales.

 

Structurer sa présentation orale

En tant qu’exercice oral, on se doit d’être encore plus clair qu’à l’écrit, quitte à faire des transitions un peu lourdes pour être sûr que le propos est intelligible. L’explication est découpée en différents mouvements, mais cette partition est souvent trop lâche pour bien structurer l’expression : on ne pourrait se contenter de simplement lire une phrase/un bout de phrase, puis le commenter, et relire et commenter à nouveau… C’est possible pour les très courts poèmes, mais devient impensable pour les textes plus longs où il faut mettre des priorités sur les analyses. Pour structurer davantage notre prise de parole, on peut donc diviser chaque mouvement soit en petits bouts de texte, soit en petites unités thématiques propres au mouvement.

On peut ainsi procéder comme suit dans la prise de parole :

  • On introduit le mouvement, en indiquant explicitement son début et sa fin, ainsi que son unité et sa fonction dans la progression de l’extrait.
  • On introduit brièvement la sous-partie, et on commence à commenter en lisant le texte d’abord de manière intelligible, avant de faire toutes les remarques qui portent sur le passage lu (cf. Etapes de l’analyse).
  • On conclut brièvement la sous-partie en mentionnant tous les échos et les liens entre cette sous-partie et les précédentes.
  • On procède de la même façon pour les autres sous-parties.
  • On conclut le mouvement en mentionnant tous les échos et les liens qu’il présente avec les autres mouvements.
  • On procède de la même manière pour les autres mouvements.

 

Prise de notes

La prise de note pour le passage à l’oral varie souvent entre les élèves. Ce qui, dans mon expérience, a le mieux marché pour cet exercice a été de noter par mots clés non pas la citation à analyser mais la ligne où celle-ci apparaît, puis la clarification et l’interprétation quand elles n’étaient pas évidentes. Je ne notais pas le vocabulaire strictement grammatical, syntaxique ou propres aux figures de styles pour ne pas perdre du temps, mais je le cherchais tout de même pendant ma préparation pour qu’il me vienne naturellement pendant le passage à l’oral. Cette prise de notes présente l’avantage d’être concise et de facilement couper des remarques moins importantes si on est pris par le temps (ce qui arrive souvent quand les textes sont denses).