La spé Lettres modernes pour Lyon (LSH)

Cet article de Louis, qui a intégré l’ENS de Lyon en spécialité Lettres modernes, présente l’organisation de cette matière et te donne des conseils pour bien travailler pendant l’année.

 

Présentation générale

La première chose à bien avoir en tête est que la spé Lettres, comme d’ailleurs l’option Lettres Modernes à Ulm, n’a rien en commun avec les Lettres telles qu’elles sont enseignées en Tronc Commun. Il n’y a, par exemple, jamais de dissertation en spé Lettres : au concours, c’est une épreuve de commentaire d’un texte hors-programme, en cinq heures. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir si les résultats de ton année de Lettres en hypokhâgne ne t’ont pas semblé au rendez-vous. D’abord parce que tout change en khâgne, y compris le tronc commun, désormais sur programme, ensuite parce que la spé, donc, n’a rien à voir avec ce que tu as fait jusqu’à présent.

Rien de commun non plus, sinon la forme de l’exercice, avec les commentaires que tu as pu faire au lycée : on gagne en ampleur analytique, en remarques de détail, on ne cède plus à l’impressionnisme. En vérité, le seul critère qui compte pour choisir la Spé Lettres, c’est d’aimer vraiment la littérature, et être prêt à en faire onze heures par semaine (6 heures de spé et 5 de tronc commun).

L’ISMAPP

Après avoir passé deux en prépa littéraire, elle présente l’école qu’elle a intégré sur concours : l’ISMAPP, ou Institut Supérieur du Management Politique et Public.

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L’EHESS

Emma, en master 1 d’études politiques à l’EHESS après trois ans de prépa littéraire au lycée Fénelon, te présente l’EHESS et les spécificités de cette école entièrement tournée vers la recherche.

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Spé Lettres Modernes à Lyon, Option Lettres Modernes à Ulm : qu’est-ce qui change ?

Khâgne moderne (Lyon), ou classique (Ulm)… Pourquoi choisir l’une et pas l’autre ? Outre les critères en eux-mêmes indépendants des Lettres Modernes (géographie, langues anciennes, etc.), l’option à Ulm suit un programme : ce sont donc trois heures par semaines consacrées à trois œuvres françaises qui s’ajoutent aux quatre du programme de Tronc Commun. Ce programme est le même pour l’épreuve de commentaire comparé à l’oral : on y passe donc toute l’année. Cela est rassurant – de fait, aucune mauvaise surprise – mais peut aussi être, à force, lassant. Il faut donc bien prendre en compte ses affinités avec le programme lorsqu’il sort au printemps, et en être conscient en choisissant l’option.

En Moderne, le texte qui tombe à l’écrit du concours est hors-programme ; en revanche, l’oral consiste en une « étude synthétique de deux extraits d’œuvres au programme », selon l’intitulé de l’épreuve. Ces deux œuvres, étudiées au cours de l’année, sont vraiment commentées dans une perspective de littérature comparée telle qu’on la pratique dans le supérieur, puisque l’une d’elle est une œuvre traduite d’un auteur ou d’une autrice non francophone.

Pour avoir passé les concours d’Ulm et de Lyon, le format de Lyon est assurément celui qui me convenait le mieux, mais les deux ont leurs atouts et leurs risques. Passer les deux concours est quelque chose de tout à fait possible, mais si tu prépares Ulm en « à côté », sois bien conscient∙e que le jury attend une connaissance absolument exemplaire des œuvres et de tout ce qui a pu être écrit dessus, sans oublier qu’il est dur d’avoir en quatre heures la même densité qu’en cinq heures ; mais d’avoir travaillé toute l’année sur des textes inconnus assure néanmoins une base solide. Si c’est Lyon que tu prépares en plus, il faut avoir pu s’entraîner au moins une ou deux fois sur des textes hors-programme : mais le passage de quatre heures à cinq permet un approfondissement plus complet de textes qui font parfois le double de ceux donnés en option.

Tout cela étant posé, voyons un peu les spécificités de la spé Lettres à Lyon.

A l’écrit : présentation, spécificités et conseils

Le grand atout de cette spécialité est qu’elle permet la découverte d’un très large éventail de textes : ils doivent avoir été écrits entre 1600 et aujourd’hui, en français. Ainsi, aux auteurs et autrices traditionnel∙les, les Hugo, les Sévigné, les Jean Genet, viennent s’ajouter les écrivain∙es de la francophonie créole (Édouard Glissant, Maryse Condé), belge (Verhaeren) ou suisse (Charles-Ferdinand Ramuz). Ce sont aussi des textes « oubliés » par la postérité, un peu plus obscurs, un peu moins « bateau » que ceux que tu as pu découvrir jusque-là. En poésie du XXème siècle, on préférera peut-être Guillevic à Apollinaire, ou, au XVIIIème siècle, tu découvriras les Tableaux de Paris de Louis-Sébastien Mercier. Tous ces noms ne te disent rien ? À mon entrée en khârré, je n’en connaissais pas un, et aujourd’hui certains d’entre eux ont été compte parmi mes plus grandes émotions littéraires. La spé lettres, c’est aussi la joie de se laisser surprendre par des textes inconnus, et parfois par des auteur∙rices que l’on croyait connaître : de Hugo, Mangeront-ils ? et non Hernani ; les textes journalistiques de Marivaux, et non son théâtre ; de Corneille, Rodogune, et non Cinna.

Car c’est là l’esprit de l’épreuve : donner des textes qu’a priori les candidat∙es ne connaissent pas, pour que tout le monde soit à égalité devant lui (et tant mieux pour toi si par coup de chance tu l’as étudié !). Aucun pronostic n’est possible : ainsi, alors qu’on pensait que le jury changeait les siècles étudiés d’une année sur l’autre, les éditions 2021, 2022 et 2023 du concours ont toutes trois présenté un texte du dix-neuvième (respectivement Feydeau, théâtre ; Marceline Desbordes-Valmore, poésie ; et Alphonse Allais, nouvelle en prose). Ce format permet donc de passer une année ou deux à faire un tour de la littérature française, de tous les genres et de toutes les époques, avec un regard un peu neuf ; le grand nombre de textes étudiés permet de diversifier ta culture générale et d’enrichir tes analyses sur d’autres extraits, voire de te servir d’exemples hors-programme en dissertation ! En effet, le commentaire composé tel qu’il est pratiqué en spé lettres nécessite d’être toujours au plus près du texte, avec des analyses stylistiques mais aussi et surtout sémantiques, de savoir avoir de l’ampleur sans jamais le perdre de vue, de citer intégralement et précisément, et de ne jamais être trop impressionniste : on en vient donc à avoir une connaissance intime de ce que l’on commente. Note bien qu’il ne s’agit pas non plus de renoncer à un enrichissement par une référence littéraire ou philosophique, du moment qu’elle est bien amenée, et qu’elle ne semble pas un apport trop érudit et en fait cuistre. Bien sûr, l’effort apporté à la correction orthographique et stylistique dans la rédaction de ta copie est scruté avec attention par le jury.

 

Que cette épreuve soit hors programme (et soit la seule de toutes les spécialités à se trouver dans ce cas-là) a surtout, pour finir, cet avantage majeur d’un immense temps gagné : pas de cours à réviser pendant les vacances, moins de stress en concours blanc ou en concours (en tout cas bien sûr pour ce qui serait à apprendre), et surtout la possibilité de lire, de lire beaucoup ! Car si je n’ai pas de bibliographie précise à te conseiller pour la spé lettres, la première chose à faire est de lire tout ce que tu souhaites, enrichir ta culture littéraire par le contact de livres que tu peux lire dans le métro, au CDI, à la cafet, sans culpabiliser de ne pas ficher un article d’histoire : en faisant cela, tu travailles aussi pour ta spé ; sans t’en rendre compte, tu prends à la lecture des réflexes de commentaire.

Mais pour te permettre de bien contextualiser le texte sur lequel tu tomberas en DS ou au concours, il est sûr qu’une connaissance, même vague, de l’histoire littéraire française est nécessaire, et rendue possible par la Littérature française en deux volumes de Tadié (folio essais) ou par la collection Henri Mitterrand, disponible pour pas cher sur Vinted. On peut aussi citer la collection des Itinéraires littéraires qu’on peut retrouver d’occasion dans diverses enseignes.

Pour l’exercice de commentaire, les ouvrages de stylistique d’Anne Herschberg-Pierrot (Stylistique de la prose) ou de Brigitte Buffard-Moret (Le Langage de la littérature) sont extrêmement utiles, et n’hésite pas à t’en servir. D’autres manuels comme le Gradus ou le Lexique des termes littéraires (Jarrety) sont utiles aussi, notamment pour l’identification de figures de style : plus généralement je te recommande de faire, au moins au début, un petit répertoire alphabétique personnel de tout ce que tu apprends en cours, qu’il s’agisse de l’épizeuxe ou du roman comique. Enfin, s’il y a un court ouvrage que je te conseille vivement de ficher, c’est La versification appliquée au texte de Michèle Aquien, 128 pages qui mettent au clair beaucoup de choses pour commenter ce qu’il y a sans doute de plus dur à commenter, la poésie.

Pour faire des économies, n’hésite pas à emprunter les livres au CDI ou à la bibliothèque, ou alors à les acheter d’occasion sur Internet, dans des librairies d’occasion ou à d’anciens élèves qui seront ravis de te les revendre.

 

L’oral

Le plaisir du programme d’oral est qu’il te rappelle qu’il n’y a pas que la littérature française dans la vie : c’est aussi l’occasion de faire de très, très belles découvertes. Bien sûr, lorsque la littérature étrangère est en fait du grec ancien ou du latin, c’est moins dépaysant, et c’est parfois le français qui te paraît le plus « étranger » (programme 2022 : Christine de Pizan et Ovide) ! Il n’y a aucune inquiétude à avoir si tu ne connais pas la langue étrangère choisie : on ne travaille qu’en traduction et il n’y a aucun prérequis de maîtrise de l’espagnol, de l’anglais, de l’allemand, etc. Ce nouveau moyen de découvrir des textes permet un réel élargissement de tes perspectives, et l’exercice du commentaire comparé, nouveau et ludique, est aussi très plaisant à faire alors que le reste des matières peut parfois te lasser. La méthode, une fois assimilée, permet de traiter tous les types de textes.

L’autre avantage du programme de l’oral est que, à l’inverse du programme de l’option Lettres modernes à Ulm, il ne t’est pas demandé d’avoir une connaissance critique exhaustive des deux œuvres. Si elle peut être utile (notamment, il est vrai quand c’est de la littérature antique (récemment Ovide, donc, ou Lucien)), elle n’est absolument pas nécessaire à la réussite de l’épreuve : pour le programme 2023, Marguerite Yourcenar et Alejo Carpentier, je n’ai rien lu d’autre que les deux œuvres et les quelques documents de contextualisation donnés par mon enseignant.

 

Ce qui laisse donc, encore une fois, du temps pour lire…