Pourquoi la méthode ?

  1. Le bijou royal
  2. Décryptage de la métaphore
  3. Objections et nuances

 

Cet article cherchera à te convaincre qu’investir un peu de ton temps pour réfléchir à ce que tu fais quand tu apprends et quand tu fais un exercice peut être très utile. En plus, cela t’apportera certainement une plus grande sérénité : au lieu de confier ton destin aux esprits plus ou moins maléfiques de la dissertation, tu sauras éviter les pièges et mettre la priorité sur ce qui marche.

 

 

Introduction

Pour commencer, je vais te laisser faire une petite expérience de pensée, qui permettra à mon avis d’esquisser à grands traits les enjeux de la méthode. Ensuite viendra le moment de décoder la métaphore, et je décrirai toutes les composantes d’une approche méthodique en prépa littéraire. Enfin, j’essaierai de répondre aux objections les plus fréquentes (lis bien cette dernière partie si tu hésites déjà à consulter l’article) et tenterai de nuancer le propos.

 

Le bijou royal

Supposons que tu sois bijoutier et que tu tiennes une petite échoppe en centre-ville. Il y a des jours plus ou moins bons, et tu peines souvent à vendre le produit de ton travail acharné. Mais voilà qu’un jour, la reine, qui passe par hasard dans ta rue, s’éprend du charme miniature de ta boutique et décide de te commander un bijou pour le roi : tu as six jours, pas davantage. Et l’ouvrage doit être en forme de cheval (vas savoir pourquoi).

Dans cette situation, tu sais ce qu’il te reste à faire : tu oublies toutes tes activités, et tu t’attèles à la tâche. Il te faut commencer par rassembler les matériaux. Surtout que tu sais que tes pépites d’or, que tu as l’habitude d’utiliser pour forger les bijoux, sont dispersées dans tes tiroirs, entre autres broches et pierreries. Te précipitant dans ta réserve, tu te mets donc à fouiller frénétiquement parmi les ressources collectées au fil des années et des marchés. Le tri est long, mais tu parviens finalement à déposer un petit tas d’or sur ton établi, prêt à l’usage. Maintenant, il faut réfléchir à l’allure du bijou : un cheval, oui, mais lequel ? De quelle taille ? De quel style ? Toutes ces questions tournent dans ton esprit et les jours continuent de passer. Tu avais déjà pris trois jours à collecter les matériaux, et voilà que tu en passes deux de plus à faire croquis sur croquis pour arriver à un résultat dont tu es à peu près satisfait. Génial ! Il ne reste plus qu’à forger le bijou en accord avec le plan. Mais voilà que tes mains peinent à modeler l’or mou pour lui imprimer l’allure chevaline : tu es habitué à fondre le bronze, plus dur. La subtilité de tes mouvements habituels ne suffit plus et tes outils laissent des marques disgracieuses sur le précieux objet. Ce n’est pas grave : tu fais de ton mieux pour finir à temps.

Une fois le délai écoulé, tremblant debout devant la reine, tu n’as aucune idée de la nature du verdict qui s’apprête à tomber : quelle peine ou récompense sera réservée au malheureux qui ignore les royales préférences ?

 

René Lalique, bague « Deux couples », Paris, vers 1899/1901. Or fondu et ciselé, perle bouton. Copyright ADAGP, Paris/Photo : Jean Tholance pour MAD

L’ISMAPP

Après avoir passé deux en prépa littéraire, elle présente l’école qu’elle a intégré sur concours : l’ISMAPP, ou Institut Supérieur du Management Politique et Public.

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L’EHESS

Emma, en master 1 d’études politiques à l’EHESS après trois ans de prépa littéraire au lycée Fénelon, te présente l’EHESS et les spécificités de cette école entièrement tournée vers la recherche.

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Décryptage

Je pense que tu l’auras compris, cette petite histoire permet de rassembler métaphoriquement un certain nombre d’enjeux de l’exercice de dissertation en prépa littéraire (qu’il soit à l’écrit ou à l’oral). Je vais essayer de les expliciter un par un, rigoureusement, tout en justifiant l’importance de chacun.

Les critères

Le bijou représente bien sûr la dissertation, c’est-à-dire un travail en temps limité que tu dois remettre à un jury qui l’évaluera en fonctions de critères précis. Si tu ne connais pas ces derniers et que tu ne les as pas à l’esprit au moment où tu composes, il est presque certain que ton travail ne les satisfera pas tous. Les articles sur les méthodes de dissertation (dans la catégorie « méthodes des exercices ») t’aideront ainsi à te faire une idée de ce qui est le plus pertinent pour le correcteur, en fonction des différentes matières. Comme ce sont des critères, et non des préférences royales, il y a de fortes chances pour que ceux-ci soient partagés par un très grand nombre d’enseignants.

Le savoir

Ensuite, l’or représente la connaissance que tu as amassée au fil de tes recherches et de tes cours. Là aussi, l’erreur du bijoutier est de s’être contenté d’emmagasiner, alors que trier et ranger soigneusement ses matériaux aurait été beaucoup plus efficace pour s’y retrouver par la suite. En effet, le temps limité ne permet pas une recherche extensive : il faut déjà, au préalable, avoir conscience des connaissances qui seront les plus utiles, afin de les rendre disponibles pour le moment fatidique. L’armature doit venir avant les fioritures, et les composants de la première doivent rester beaucoup plus accessibles à l’artisan. Le point à retenir est donc qu’il vaut mieux privilégier la structuration de son savoir plutôt que son accumulation : connaître beaucoup de choses et rédiger ainsi des dissertations subtiles et originales présuppose donc un socle très solide de fondamentaux maîtrisés sur le bout des doigts. Apprendre à établir des priorités dans ses révisions est donc primordial pour construire une pensée pertinente à partir de ton sujet : les articles à propos des méthodes d’apprentissage chercheront à enseigner cette démarche.

La forme

Tout cela peut sembler assez évident, mais ce n’est pas encore fini : on voit bien que le bijoutier ne parvient pas facilement à trouver une forme correcte pour son œuvre. Il n’arrive pas à faire un plan qui fonctionne, et c’est aussi souvent le cas en dissertation. Mais ce défaut peut venir de plusieurs choses. D’une part, d’un manque de connaissance des critères de l’exercice, comme je l’ai montré auparavant : en effet comment organiser au mieux sa pensée si on ne sait pas ce qu’on nous demande ? D’autre part, cette difficulté peut aussi être la conséquence d’une conception personnelle trop floue de la forme attendue pour une dissertation. Ce n’est pas un exercice évident, et la connaissance des critères de notation ne suffit pas : si ces derniers nous informent sur les caractéristiques d’une bonne dissertation, ils oublient souvent d’expliciter comment celle-ci se construit dans l’esprit et dans la copie. A quoi bon savoir qu’il faut être précis dans l’analyse des exemples si on ignore en premier lieu quels types d’exemples il faut privilégier ? Connaître la structure fondamentale d’un plan fonctionnel de dissertation est donc le point de départ d’un exercice réussi. Comme cette forme peut varier en fonction des disciplines, différents articles d’EnKhâgne en font leur sujet principal.

L’entraînement

Enfin, le dernier point, et peut-être le plus difficile à concevoir à première vue, est celui qui donne au bijoutier beaucoup de difficultés dans l’accomplissement correct de sa tâche, alors même qu’il a précisément conscience de son objectif. Il souffre en fait simplement d’un manque d’entraînement : il sait, en théorie, ce qu’il doit faire, mais cela ne veut pas dire qu’il parvient à ses fins en pratique. Comme un joueur de tennis qui connaîtrait toutes les consignes pour tirer un bon coup droit mais qui n’en aurait fait qu’un seul dans sa vie. Sans entraînement concret, on ne peut pas espérer devenir bon. En prépa littéraire, il faut donc aussi considérer la maîtrise des exercices comme une compétence à acquérir : apprendre à écrire vite et bien, à trouver des idées rapidement, à les mettre en forme de façon adéquate, etc. Il faut donc ajouter à la connaissance théorique de la méthode une application pratique et rigoureuse. Pour s’entraîner, il est vrai que nous avons un certain nombre de DST au cours de l’année. Cependant ces derniers posent deux problèmes. Le premier est qu’on y est très souvent stressé à cause de la note qui sanctionnera notre travail : au lieu de faire attention à ce que l’on fait pendant les 6 heures afin d’appliquer les bonnes méthodes et s’améliorer, on se laisse facilement emporter par un empressement aveugle. Le deuxième problème tient dans le fait que ce nombre de DST peut ne pas suffire à certaines personnes pour atteindre un bon niveau en dissertation. En effet, notre temps d’adaptation dépend beaucoup de notre éducation avant la prépa. Pour faire face à ces deux difficultés, les articles sur les méthodes d’apprentissage proposent plusieurs solutions !

Wassily Kandinsky, « Jaune, Rouge, Bleu », 1925

Objections et nuances

 

L’objection de l’intuition

Je sais qu’il est difficile d’adhérer à cette approche plus méthodique de la prépa. On peut en effet trouver que cela enlève du charme à l’exercice de dissertation et que ça rend la pratique moins intuitive. A mon avis, cela est vrai. Mais seulement dans les débuts, quand on fait encore l’effort de comprendre la manière la plus adaptée de travailler et quand les consignes nous trottent encore dans la tête en nous disant « Fais ceci !  Fais cela ! ». Car, crois-le ou non, une fois que tu t’es assez entraîné à pratiquer avec les bons principes, ces derniers ne sont plus sans arrêt présents à ton esprit, mais seulement ponctuellement : tu retrouves l’intuition que tu pouvais avoir auparavant. Et l’avantage est que cette dernière se trouve désormais beaucoup plus assurée de suivre le bon chemin ! Il est aussi tout à faire probable que certains préfèreront faire progresser leur moyenne en travaillant un peu la méthode et l’entraînement, même si cela fait d’abord baisser la fluidité de leur pensée, plutôt que de rédiger des dissertations très intuitives sanctionnées de mauvaises notes. Je pense donc que chacun peut doser selon ses aspirations et ses compétences : je ne présente ici que des outils qui serviront à ceux qui veulent augmenter leur efficacité et leur sérénité.

L’objection du temps

Certains pourront aussi se dire que travailler sur la méthode et l’entraînement, c’est du temps perdu : autant réviser les cours, c’est ce qui est le plus rentable. Peut-être. En réalité, je pense que cela dépend de ton niveau actuel en dissertation et en commentaire : si tu es certain que ce sont les connaissances pures qui te manquent, et que tu es très bon sur tous les autres points (à savoir les critères de notation, l’organisation des connaissances, la méthode théorique de la dissertation et l’habitude de pratiquer), alors tu peux facilement passer ton temps à apprendre de nouvelles choses ! Bien entendu, travailler pour maîtriser les points méthodiques précédents peut sembler difficile et ne pas donner de résultats immédiats. Mais il faut se dire – et c’est là ma propre expérience qui parle – que ce genre de considérations peut entraîner des progrès exponentiels, surtout si on s’inspire des conseils éprouvés donnés sur ce site. D’une part, quand ils sont bien faits, les exercices d’entraînement ne sont pas moins intéressants que l’apprentissage de nouvelles choses – car il s’agit en fait bien d’apprendre à penser – ; d’autre part, il n’est pas non plus nécessaire d’y passer un temps démesuré, et il te restera beaucoup de temps pour réviser et découvrir de nouvelles choses, surtout si on a conscience des priorités.

L’objection de l’échec

Une dernière objection pourrait être celle de quelqu’un qui se dit : « La méthode, je n’y arrive pas, ça ne me parle pas. J’ai déjà essayé et j’ai l’impression que ça ne m’aide pas ». Je pense que ce discours est quelque peu paradoxal : s’il est évident qu’un conseil peut être mauvais et ne pas fonctionner pour nous, cela ne veut pas dire qu’il faut rejeter tous les types de conseils sans exception. Il en va de même pour la méthode : certaines peuvent ne pas être pertinentes pour toi à un certain moment, ou même ne pas l’être du tout (même si je doute fortement de la possibilité effective du second cas). Cependant, pour arriver à la conclusion qu’un conseil ne marche pas pour toi, il ne faut pas s’être contenté de lire une fiche méthode ou un de nos articles : il faut les avoir mis en pratique. Car une méthode n’est pas faite pour rester abstraite : il faut mettre de la bonne volonté pour la traduire en actions. En d’autres mots, si tu lis un de nos articles, il faut que tu te confrontes à cette question désagréable : comment puis-je transférer ces principes théoriques dans une pratique qui me parle ? Et la meilleure façon d’y répondre, c’est de tester. Peut-être qu’alors tu ne seras pas d’accord avec tout ce qui est proposé, et tu garderas seulement ce qui t’aide le plus. C’est pourquoi il vaut mieux bien retenir ces deux choses : pour travailler la méthode, lire de la théorie n’est pas suffisant ; si on s’applique un peu, les bénéfices sont gigantesques sur tous les plans.